Que faire si votre client est en redressement judiciaire ?

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Les professionnels indépendants ne sont jamais totalement à l’abri de mauvaises surprises, même s’ils appliquent à la lettre les précautions d’usage. De plus, après plusieurs années de collaboration agréable avec un client fidèle, il est facile de perdre le réflexe de faire un tour sur www.societe.com, Infogreffe, ou autre service de renseignements juridiques sur les entreprises (françaises, bien entendu).

Leçon apprise : j’ai ma première ardoise.

Tout n’est pas perdu. Mais il faut mettre toutes les chances de votre côté pour récupérer votre créance et, avec un peu de chance, sans attendre un éventuel plan de continuation par lequel les dettes des entreprises sont réglées au compte goutte sur une longue période.

Primo, évacuez le stress de cette désagréable nouvelle ! Faites le tour du quartier, promenez votre chien, passez chez le pâtissier pour ce fondant au chocolat qui vous fait envie… Vous l’aurez compris, d’abord, faites-vous du bien !

Ensuite, place au plan d’action :

  • Le site Internet de la FIT-Europe regorge de renseignements sur les démarches à suivre face à de mauvais payeurs et fournit des lettres types.
  • Trouvez le nom et les coordonnées du représentant des créanciers (si votre client défaillant ne vous l’a pas communiqué) sur un des services en ligne notés ci-dessus.
  • Essayez de cerner l’utilisation qui a été faite de votre traduction; si elle est publiée sur Internet, c’est plus simple (faites des captures d’écran, avec la date et l’heure visibles, et conservez-les précieusement).
  • Imprimez le bon de commande de votre client et votre note d’honoraires.

A mon avis (et ce n’est que le mien !), la manière dont vous allez traiter ce dossier peut être influencée par la façon dont vous avez appris la bonne nouvelle.

N’importe quelle structure peut vivre une mauvaise passe, un malencontreux évènement initial pouvant engendrer des conséquences en cascade dramatiques; cela ne le transforme pas en « mauvais client » pour autant. Un client peut vous faire comprendre que la situation est délicate et éviter de vous confier des travaux pendant la période critique préalable au redressement judiciaire.

Dans le cas qui m’inspire à rédiger cette brève, le fidèle et gentil client n’a pas daigné me suggérer que l’agence de traduction était dans un état fragile. Après plusieurs relances pour des retards de règlements, j’ai été faire un petit tour sur societe.com où j’ai appris que l’entreprise était en redressement judiciaire depuis la fin juillet 2009. Les projets confiés et les notes d’honoraires impayées datent de juillet. CQFD.

En règle générale, c’est à l’entreprise d’informer par courrier ses créanciers et de fournir le nom et les coordonnées du représentant des créanciers nommé par le tribunal. Vous devez déclarer vos créances dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement au BODACC. Passé ce délai, vous faites cadeau de vos créances.

Si vous êtes encore dans les temps, les services de protection juridique auxquels j’ai parlé recommandent d’adresser une lettre RAR de mise en demeure de paiement à l’entreprise défaillante en même temps qu’une lettre RAR au représentant des créanciers pour déclarer votre créance (accompagnée naturellement du bon de commande et de la note d’honoraires).

A l’ordinaire, les notes d’honoraires de prestations de services ne font pas partie des créances dites privilégiées. Néanmoins, il est utile de rappeler dans vos courriers que le Code de la propriété intellectuelle prévoit (art. L111-1) que le traducteur conserve ses droits d’auteur jusqu’à la réalisation de la condition contractuelle par laquelle la cession des droits intervient. Autrement dit le règlement des honoraires correspondants. Etre un créancier privilégié peut améliorer vos chances de recouvrer votre créance.

Quid alors de vos droits d’auteur en attendant le règlement de votre créance ? C’est une question délicate à laquelle il est préférable de répondre au cas par cas, en tenant compte de tous les éléments. Vous pouvez mettre en demeure l’utilisateur de votre traduction de cesser d’exploiter votre travail (p.ex. le supprimer de son site Internet) jusqu’au règlement complet de votre prestation. Si votre traduction est utilisée par un tiers (« le client de votre client »), cette organisation n’est pas forcément au courant du litige. Votre client, bien sûr, ne voudra pas que vous l’en informiez. Cette cartouche est à manier avec précaution : réfléchissez à toutes les conséquences possibles avant d’agir.

Pensez également à informer les associations professionnelles auxquelles vous adhérez que l’entreprise en question est en redressement pour éviter que vos collègues se retrouvent, eux aussi, avec une ardoise.

 

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