Guide de la transcréation, 3ème partie
Vade-mecum de la transcréation, 3ème partie
Dans cette troisième partie du vade-mecum de la transcréation (les billets précédents sont ici et là), nous parlons de l’élément le plus difficile à appréhender au début d’un projet : le temps requis.
Si vous vous mettez déjà la rate au cours-bouillon à essayer de définir un tarif, accrochez-vous ! Estimer le temps qu’il va falloir mobiliser pour certains projets est encore plus périlleux.
Ce n’est qu’avec le temps et l’expérience que vous arriverez à cerner la question avec plus ou moins de précision. Et encore ! Il vous arrivera encore parfois de surestimer ou de sous-estimer le temps requis.
Tout simplement parce que vous ne pouvez maîtriser le déroulement des opérations côté client.
Le cas le plus simple
Une demande de tradaptation qui n’est qu’une excellente traduction ne pose aucun souci : vous avez reçu le document, vous connaissez la destination, la cible et l’objectif, vous savez combien de temps cela vous prend d’effectuer ce travail soigneusement, de le faire relire et de vérifier les corrections apportées.
Le temps mobilisé et le temps de travail effectif sont quasiment identiques et vous êtes libres de l’organiser comme bon vous semble, tant que vous livrez dans les délais convenus.
Les autres scénarii
Dans la plupart de ces autres cas de figure, in fine vous allez effectuer le gros du travail en silo, mais pour ce faire vous êtes dépendant du client ou d’autres intervenants, car :
- soit il vous faut aller prendre un brief client avec lui et/ou faire un brainstorming avec toute l’équipe avant de pouvoir cerner le cadrage et l’angle de votre prestation;
- soit vous allez avoir à travailler en cheville avec d’autres intervenants dont vous attendez les livrables pour progresser sur le vôtre (exemple : la maquette d’un magazine qui définit la longueur de votre texte);
- et, dans la plupart des cas, vous aurez à passer par plusieurs étapes de révisions (à définir en amont dans votre proposition !) avant de livrer la version finale.
Alors qu’il est relativement facile d’apprécier combien de temps vous allez consacrer à un RDV de prise de brief chez votre client, à prendre connaissance du travail des autres et à remanier votre copie, vous ne maîtrisez pas l’emploi du temps d’autrui.
Ceci est lourd de conséquences sur votre emploi du temps global et les délais du projet en question :
- les retards dans les livrables des autres (y compris les informations qui doivent vous être transmises)
- les changements de rendez-vous au pied levé qu’il faut caser à un autre moment
- la date de démarrage du projet qui glisse, et glisse, alors que vous avez un carnet de commandes bien rempli
Plus les contours du projet sont flous, plus il y a interdépendance parmi divers intervenants, plus il vous sera difficile d’estimer le temps que vous aurez à mobiliser pour le projet.
Conseils
Travailler en prise avec un client et son équipe est quelque chose qui me plait énormément: vision globale du projet, possibilité de faire valoir sa valeur ajoutée, apprendre des autres et parfois aussi transmettre son savoir-faire.
Vous avez besoin d’estimer le temps à facturer de manière équitable et le temps que vous aurez à mobiliser.
Le client a besoin que vous vous intégriez à l’équipe projet et fassiez preuve de souplesse. Il ne maitrise pas à l’heure près le planning des autres. Laisser transpercer votre impatience, énervement ou agacement lors de changements de programme ou de délais est à proscrire.
Cela ne donne pas l’impression d’être un “team player” et est antinomique avec la notion de service client.
Savoir-faire et savoir-être sont souvent d’importance égale.
Comment gérer cela?
- Dans la gestion de votre relation client
- Elaborez une proposition très détaillée qui inclut:
- vos prestations, vos livrables et le nombre de révisions prévues
- les rendez-vous prévus
- un inventaire précis de qui fait quoi et pour quand
- un rétroplanning détaillé, qui inclut clairement les points de validation client
- Au cours du projet, effectuez un suivi quotidien de l’avancement des travaux
- anticipez les glissements du planning
- informez votre client lorsque cela devient nécessaire de l’impact que cela peut avoir sur la date de réalisation du projet et de son budget
- mettez-vous d’accord le cas échéant sur un avenant à votre contrat
- Elaborez une proposition très détaillée qui inclut:
Ceci démontre votre professionnalisme et aide votre client à bien gérer son projet.
- Dans la gestion de votre propre planning global
- Evitez de vous engager sur plusieurs projets de ce type en même temps, aussi tentants soient-ils : vous risquez fort de vous retrouver avec des plannings qui se recoupent, ce qui est mauvais pour les relations client, la gestion du stress et la qualité.
- Préférez panacher un projet de ce type avec des projets que vous effectuez de manière totalement autonome (le client a déplacé une réunion ? Pas de problème, j’avance sur projet B et ne perds pas de temps).
- Dans votre estimation du temps requis, tenez compte du temps de travail effectif et du temps à mobiliser pour pouvoir réagir avec souplesse le cas échéant. Suivant le projet, mon ratio se situe entre 1:1 1/4 et 1: 1 1/2.
Cela me permet de rester zen.
Temps de travail effectif v. temps à mobiliser et rémunération
LA grande question, et je savais que vous alliez la poser, n’est-ce pas ?
Transparence, équité et dialogue en amont sont le B. A. BA pour travailler en confiance et pour que personne ne ressente abus (de facturation) ou iniquité (de rémunération).
Votre client est en mesure de comprendre :
- qu’une grande flexibilité dans votre planning implique que vous lui accordez une importante disponibilité. Cette disponibilité peut avoir un coût, puisque vous lui réservez du temps que vous ne mettez pas à profit ailleurs.
- qu’il et ses collaborateurs jouent un rôle dans la gestion du planning et la maîtrise du budget.
Pour vous donner un exemple récent : projet avec une date butoir totalement rigide, mais projet lancé avec deux semaines de retard, donc à réaliser avec d’autant plus de rapidité. J’avais déjà laissé filer un autre projet qui n’aurait pas pu être mené de front avec celui-ci (perte de revenus nette). Par ailleurs, la maîtrise du budget de ce projet est d’importance capitale pour mon client.
Le rétroplanning révisé a mis en exergue la date et *la plage horaire* de chacune de mes livraisons, les délais maximums prévus pour les retours client requis pour finaliser le livrable et la date et la plage horaire de chaque rendu final.
C’est écrit que le client joue un rôle clé dans la maîtrise de ce budget, qui dépend du respect de ce planning extrêmement fin. Si je passe une matinée à me tourner les pouces parce que je n’ai pas eu le retour client pour finaliser le document du jour, ce temps mort (non alloué à un autre projet) risque d’être facturé.
Le fais-je ?
Dans la pratique, très rarement. Il faut vraiment que je constate un schéma répété de désorganisation qui me pénalise, quelles que soient les mises en garde déjà exprimées.
Alors à quoi ça sert de préciser cette clause, si je me prive d’une compensation légitime ?
Cela souligne le rôle du client dans le bon déroulement d’un projet, signale que mon temps a une valeur et que je le gère avec prudence.
A un extrême, c’est une protection qui peut s’avérer utile.
A l’autre, c’est une démarche de fidélisation, car la note d’honoraires consigne ce temps non facturé. Le client vous fait d’autant plus confiance à l’avenir, car il sait que vous gérez cette relation avec intelligence.
Si vous ne voulez pas que vos clients pinaillent sur vos tarifs, soyez généreux et posez votre chronomètre.
La générosité est payante.
Tags: Adaptation, communication interculturelle, linkedin, rédaction
Merci Patricia pour ce troisième billet tant attendu !
Tu fais bien de rappeler qu’il est important de “border” sa proposition en indiquant que l’inactivité due à un retard du client peut être facturée. A mon avis, cela permet de *ne pas* la facturer sans se sentir lésé, mais en ayant le sentiment de faire une fleur au client, qui en a pleinement conscience.
Résultat : satisfaction de part et d’autre !
[…] [ le troisième billet dans cette série est ici] […]
[…] projet pour une petite structure est souvent plus rentable, car le circuit de prise de décision est plus court. Il y a moins de perte de temps et […]